lundi 7 novembre 2016

Mort à 64 ans de Zoltan Kocsis, le feu follet du piano hongrois

Zoltan Kocsis (1952-2016). Photo : DR

L’immense pianiste hongrois Zoltan Kocsis, également chef d’orchestre, compositeur et pédagogue, est décédé dimanche 6 novembre des suites d’une longue maladie. En 2012, il avait été opéré du cœur. Depuis quelques mois, ses médecins lui avaient demandé de réduire au maximum son activité.

Les mains de Zoltan Kocsis courant sur le clavier. Photo : DR

Son ami et compatriote Ivan Fischer, le chef d’orchestre avec qui il avait fondé le Budapest Festival Orchestra en 1983, écrit à son propos sur son portail Facebook : « Zoltan Kocsis était un géant de la musique, l’un des rares génies. Son impact sur toute sa génération est incommensurable. » Le pianiste français François-Frédéric Guy, sur Facebook encore écrit : « Un géant que j’avais eu la chance de rencontrer plusieurs fois… inspirant, intimidant… Ses Bartók restent inoubliables. Mais tout Liszt, Brahms, Debussy… et je programme tous les ans ses merveilleuses transcriptions de Wagner, notamment l’extraordinaire Feuerzauber de la Walkyrie ou encore le Prélude de Tristan und Isolde. »



Zoltan Kocsis en 1981. Photo : DR

Né à Budapest le 30 mai 1952, Zoltan Kocsis a commencé à jouer du piano dès l'âge de 5 ans. A 11 ans, il entre au Conservatoire Béla Bartók où il étudie le piano et la composition. En 1968, il est admis au Conservatoire Franz Liszt, où il travaille avec Pal Kadosa et Ferenc Rados. Sa carrière internationale a été lancée à l’âge de 18 ans, lorsqu’il remporte en 1970 le Concours Beethoven organisé par la Radio hongroise. Un an plus tard, il faisait sa première tournée aux Etats-Unis. En 1973, il est le plus jeune vainqueur du Prix Liszt. En 1978, il avait obtenu la plus haute récompense artistique hongroise, le prix Kossuth, qui lui sera de nouveau attribuée une seconde fois en 2005. Depuis 1976, il enseignait à l’Académie Franz Liszt de Budapest. En France, René Martin l’invitait tous les deux ou trois ans au Festival de La Roque d’Anthéron, et il était en 2009 l’hôte du Festival d’Auvers-sur-Oise et en 2014 celui du Festival d’Annecy (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2014/08/la-ve-edition-de-lannecy-classic.html, http://brunoserrou.blogspot.fr/2014/08/zoltan-kocsis-dirige-annecy-lorchestre.html, http://brunoserrou.blogspot.fr/2014/08/pour-leur-second-programme-commun.html).

Zoltan Kocsis (1952-2016). Photo : DR

« L’école musicale hongroise n’est plus ce qu’elle était voilà encore trente ans, se désolait Zoltan Kocsis en 2009. Les institutions pédagogiques n’ont plus les ambitions d’antan, et je ne vois pas comment nous allons nous en sortir. Il se trouve néanmoins d’excellents musiciens, preuve en est nos orchestres, qui sont essentiellement constitués de Hongrois. » Avec son ami Deszö Ranki, Zoltan Kocsis est le grand pianiste hongrois de sa génération.  Héritier d’une école fondée par Franz Liszt qui a contribué à l’évolution de l’instrument, autant côté jeu et interprétation que côté technique, avec des musiciens comme Béla Bartók jusqu’à György Cziffra, Kocsis s’est rapidement imposé non seulement comme un éminent interprète de la musique de ses compatriotes mais aussi comme un grand interprète de Mozart, Beethoven, Schubert, Chopin, Liszt, Debussy, Rachmaninov et de la musique de son temps, notamment György Kurtag.

Photo : DR

Poète, secret, flamboyant, fougueux, Kocsis est l’une des personnalités les plus singulières du monde de la musique. Pianiste, chef d’orchestre, chambriste, il est aussi compositeur et arrangeur. Lorsque je l'ai rencontré en mai 2009 à Budapest, dans la nouvelle Philharmonie sur la rive gauche du Danube à dix minutes du centre de la capitale hongroise, il accueillait son visiteur avec chaleur et lui parlait sans attendre du programme qu’il s’apprêtait à diriger à la tête de son orchestre, s’assayait devant le Steinway de son bureau et jouait une réduction improvisée de l’œuvre programmée. Le matin de notre rencontre, c’était Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss, sortant de son seul clavier l’infinie variété des timbres et des nuance de l’orchestre entier et de leur diversité polyphonique. Pas un des quatre vingt dix instruments de Strauss ne manquait dans le coffre du grand-queue de concert. Si bien que la répétition tutti venue, le profane ne sentait presque pas de différences.

Zoltan Kocsis chef d'orchestre. Photo : DR

En fait, depuis vingt-cinq ans [en 2009], Kocsis ne se contente pas du piano, qu’il considère pourtant comme un orchestre à part entière. Après avoir dirigé le Studio de Musique Nouvelle de Budapest, il fondait en 1983 avec Ivan Fischer le Budapest Festival Orchestra dont il est l’un des directeurs artistiques jusqu’en 1997. L’année suivante, il est nommé Directeur musical de l’Orchestre Philharmonique National Hongrois, dont il renouvelle le quart des effectifs après avoir auditionné la totalité de ses musiciens, et à la tête duquel il dirige un vaste répertoire, les compositeurs hongrois, de Liszt, dont il orchestre des pages pour piano, à Peter Eötvös et György Kurtag en passant par Béla Bartók, dont il grave entre 2005 et 2008 une troisième intégrale discographique, Zoltan Kodaly et György Ligeti, jusqu’aux écoles française, particulièrement Claude Debussy dont il a orchestré plusieurs pièces pour piano et des mélodies, autrichienne, allemande et tchèque. Il laisse une riche discographie, au sein de laquelle nombre d’indispensables, particulièrement les intégrales Bartók, choisissant peut-être celle de Philips (1987-1994), ses Debussy (Philips), Rachmaninov (Philips), Ravel (Philips), Schumann (Philips), et comme chef d’orchestre ses Bartók et Debussy (Hungaroton).

Bruno Serrou

1 - Après une première intégrale partagée avec Deszö Ranki chez Hungaroton entre 1972 et 1983 dans le cadre du centenaire de la naissance de Béla Bartók, Zoltan Kocsis a gravé seul une deuxième intégrale de son compatriote pour le label Philips (aujourd’hui Decca), enfin une troisième disponibles pour Hungaroton (2005-2008), à laquelle cette fois cette ajoutée l’œuvre pour orchestre


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