vendredi 20 décembre 2013

Les Brigands s’accaparent avec jubilation "la Grande Duchesse de Gerolstein" d'Offenbach

Paris, Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet, samedi 14 décembre 2013

Jacques Offenbach (1819-1880), la Grande Duchesse de Gerolstein. Michel Philippot (Général Boum) et Isabelle Druet (Grande Duchesse de Gerolstein). Photo : (c) Claire Besse

Comme tous les ans dans le cadre des fêtes de fin d’année depuis une décennie, la compagnie Les Brigands enflamme le Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet et son public, qui s’avère toujours nombreux, bigarré et enthousiaste. Fidèle à Jacques Offenbach à qui la troupe a emprunté son nom en 2000, et un an après Croquefer et l’Île de Tulipatan (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/12/croquefer-et-lile-de-tulipatan-deux.html), Christophe Grapperon retourne de nouveau et avec raison au « petit Mozart des Champs-Elysées », optant cette fois pour une adaptation pétulante et enlevée d’un opéra-bouffe au titre plus grand public que les ouvrages de l’an dernier, avec ses airs plus connus les uns que les autres, la Grande Duchesse de Gerolstein.

Jacques Offenbach (1819-1880) par F. Grünewald, 1881

Cette œuvre composée trois ans avant la guerre entre la France et la Prusse ayant eu maille à partir avec la censure du Second Empire à cause du « ridicule » des militaires et des critiques par trop claires des cours d’Europe et de leur despotisme, c’est sur ces points qui restent d’actualité en dépit du temps qui passe que Philippe Béziat, par ailleurs excellent réalisateur de documentaires sur la musique, a axé sa mise en scène, se réappropriant totalement l’ouvrage sans négliger pour autant les aspects graveleux de l’original. D’où le titre La Grande Duchesse « d’après Offenbach ».

Hortense Schneider (1833-1920), en Grande Duchesse de Gérolstein, dont elle a créé le rôle en 1867. 

Ainsi Béziat fait du soldat Fritz, prestement promu général par la Grande Duchesse, un homosexuel amoureux non plus de Wanda mais du soldat Falk qu’il finira par épouser, ce qui n’est pas sans poser de sérieux problèmes au général Boum, alors que le baron Grog, précepteur du prince Paul, le fiancé de la Duchesse, s’avèrera être en fait mère de trois enfants… La troupe, qui réunit dix-huit interprètes, autant d’instrumentistes que de chanteurs, réussit sans surcharge à souligner le fantasque et le burlesque de l’œuvre d’Offenbach et de ses librettistes, Henri Meilhac et Ludovic Halévy, ce dont joue avec talent Béziat, qui respecte les intentions du compositeur et de son librettiste en faisant se dérouler l’action dans un camp militaire. La production s’ouvre d’ailleurs sur une scène qui n’est pas sans évoquer la scène 5 de l’acte II de Wozzeck de Berg, avec le ronflement des soldats endormis accompagné ici à la seule contrebasse.

Jacque Offenbach (1819-1880), la Grande Duchesse de Gerolstein. Michel Philippot (Général Boum), Olivier Hernandez (Prince Paul) et Flannan Obé (Baron Puck). Photo : (c) Claire Besse

Malgré ce cadre limité et grâce à la promiscuité des protagonistes et du public, la mise en scène de Béziat s’épanouit grâce à l’excellent travail du scénographe éclairagiste Thibaut Fack, qui a l’imagination féconde. Béziat déplace les neuf musiciens et leur chef, Christophe Grapperon, en divers recoins du plateau, les faisant participer à l’action, et utilise habilement les cintres du théâtre. Les comédiens-chanteurs sont animés par une direction d’acteur enlevée et par une chorégraphie réglée au cordeau par Jean-Marc Hoolbecq. Les neuf chanteurs,  tous d'authentiques comédiens-danseurs, se donnent sans compter, et le public rit avec eux des situations les plus invraisemblables. Autour d’Isabelle Druet, Duchesse radieuse, amoureuse enflammée qui mène sa troupe avec panache et un bagou étincelants, l’on retrouve la fine équipe des Brigands. François Rougier, qui campe un Fritz savoureux insensible au charme féminin, Flannan Obé, qui excelle en Baron Puck fourbe et jaune-zizanie, Emmanuelle Goizé, qui trouble en Baron Grog travesti. Michel Philippot est un Général Boum débonnaire déjanté, les soldats David Ghilardi, Olivier Naveau et Guillaume Paire parachèvent cette joyeuse équipe. Christophe Grapperon dirige avec allant un brillant ensemble brillamment réduit à neuf instrumentistes par Thibault Perrine.

Bruno Serrou

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