dimanche 4 août 2013

CD : Benjamin Britten, l’œuvre chorale et opéra pour enfants




Cette année du centenaire de la naissance de Benjamin Britten (1913-1976) apporte son lot de rééditions et de mise en coffrets de réalisations depuis longtemps disponibles au disque, mais plus ou moins accessibles ces dernières d’années. En attendant cet automne les intégrales qu’annonce Decca, éditeur britannique du groupe Universal pour lequel le compositeur a enregistré l’essentiel de son œuvre, ainsi que celle de nombre de ses aînés, notamment de Franz Schubert et Robert Schumann, EMI a publié à la fin de ce printemps une somme de sept disques réunissant l’œuvre chorale enregistrée par divers ensembles et artistes de son écurie, ainsi que l’opéra pour enfants Le petit ramoneur (The Little Sweep) op. 45, seconde partie de Faisons un opéra (Let’s Make an Opera). The Little Sweep est le premier des opéras de Britten à avoir été entièrement conçu, composé et produit à Aldeburgh. Commencé à l’automne 1948, l’ouvrage a été achevé à la fin du printemps suivant, et la première représentation a été donnée le 14 Juin 1949 dans Jubilee Hall d’Aldeburgh.

Autre opéra de Britten, sous-titré « The Chester Miracle Play », Haut du formulaireFludde Noye (le Déluge de Noé) op. 59, composé en 1957 par Benjamin Britten pour voix d’adultes et d’enfants, ensemble de chambre et orchestre d’enfants. Le texte se fonde sur une édition par Alfred W. Pollard d'un Mystère du début du XVe siècle tiré du Chester Mystery Cycle. L’opéra est écrit pour être interprété par une troupe d’amateurs, et Britten a demandé qu’il soit exécuté dans une église ou dans une grande salle, mais surtout pas dans un théâtre. A la façon d’un concerto grosso baroque, l’orchestre fait appel à un petit ensemble concertant constitué de professionnels associant quintette à cordes, flûte à bec, piano (à quatre mains), orgue et timbales. L'orchestre amateur en ripieno réunit cordes, flûtes, bugles, cloches et percussion. Le public, que Britten dénomme la « congrégation », est invité à se joindre à l’ensemble pour chanter les trois hymnes insérés dans le texte original.Haut du formulaire La première représentation de cette partition a été donnée le 18 Juin 1958 en l’église d’Orford, dans le Suffolk, dans le cadre du Festival d’Aldeburgh, avec l’English Opera Group et une distribution locale. Owen Brannigan chantait Noé, et le tout était dirigé par Charles Mackerras.

The Company of Heaven (La Compagnie du Ciel) est une grande page pour solistes, chœur, récitant, timbales, orgue et orchestre à cordes dont le titre fait référence aux anges, le thème de l’œuvre, qui se traduit dans les textes extraits de la Bible et de divers poètes. La première exécution de l’œuvre a été présentée dans le cadre d’une retransmission radio diffusée le jour de la fête de Saint Michel l’Archange, le 29 septembre 1937.

S’il ne prétend pas se substituer à l’inestimable témoignage du compositeur réalisé en 1963 pour Decca, réédité et remasterisé plusieurs fois et qui bénéficie en outre de la présence des interprètes pour qui il a été écrit (Galina Vichnevskaïa, Peter Pears et Dietrich Fischer-Dieskau) qui réconciliait les forces russes, britanniques et allemandes de la Seconde Guerre mondiale, le War Requiem de Britten par Simon Rattle est tout aussi passionnant, tant il s’y trouve de grandeur à la fois simple et spontanée. Voilà trente ans, alors qu’il était âgé de 28 ans, le chef britannique était encore en seuil d’une prometteuse carrière. Il commençait en effet à forger à la fois sa propre réputation et celle de son orchestre, le City of Birmingham Symphony Orchestra (CBSO), dont il allait bientôt faire l’une des meilleures phalanges mondiales. Lorsqu’il enregistre cette interprétation du War Requiem, le jeune chef britannique est depuis trois ans directeur musical de la formation dont il sera le patron jusqu’en 1998. Gravant ce War Requiem dans la foulée de concerts de cette même œuvre, il en est tout emprunt, à l’instar de l’ensemble des protagonistes. Il peut ainsi faire abstraction de la tradition héritée de Britten, seul modèle à l’époque d’une interprétation de haut vol puisque l’une des rares versions disponibles au disque à l’époque, tout en tirant profit d’un chœur et d’un orchestre ayant assimilé les tenants et aboutissants d’une musique conçue vingt ans plus tôt qu’ils viennent de donner en concert.  Leur conception de l’œuvre dans sa compréhension de la globalité de sa structure, la tension dramatique de la première partie, comme le Dies Irae qui ne peut éclipser l’apogée cataclysmique du Libera me final dans sa puissance apocalyptique. Le poème d’Owen qui suit, Strange Meeting, est chanté avec la plus extrême concentration par Robert Tear, formé à l’école de Britten au contact de Peter Pears et du Festival d’Aldeburgh, et par Thomas Allen, plus lyrique que Dietrich Fischer-Dieskau et John Shirley-Quirk, qui soulignent tous deux les intentions du compositeur dans sa dénonciation du coût humain particulièrement élevé dû aux conflits et à leur futilité. Si le finale, In Paradisum (Let us sleep now), ne se présente pas comme l’écrasante péroraison qu’offre à entendre d’autres interprétations, Rattle sait d’évidence que toutes les questions ne peuvent trouver de réponse satisfaisante, si bien que le l’ultime chœur, en fa majeur, instille un sentiment de malaise et d’irrésolution. Simon Rattle a une vision intensément dramatique de la partition, avec des cuivres puissants, les timbales au premier plan, et un sens infaillible du rythme et des tempi. L’une des grandes forces de cette exécution réside dans l’engagement du CBSO Chorus au ton spectaculairement caustique et exposant son texte avec une clarté singulière, à l’instar des Garçons de la Cathédrale d’Oxford (Boys of Christ Church Cathedral, Oxford) qui, selon les recommandations de Britten, chantent « comme s’ils mordaient une pomme ».

Dédiée à Serge Koussevitzky et au Boston Symphony Orchestra, qui en ont donné la création le 14 juillet 1949, la Spring Symphony op. 44 est une symphonie chorale en quatre mouvements pour soprano, contralto et ténor solistes, chœur mixte, chœur de garçons et orchestre écrite sur des poèmes des XVIe et XVIIe siècles ainsi que sur des vers de l’ami du compositeur, W. H. Auden. Selon le compositeur, l’œuvre représente « le passage de l’hiver au printemps et le réveil de la terre et de la vie que cette transition sous-tend ». Réunissant trois des plus grands chanteurs britanniques de l’époque (Sheila Armstrong, Janet Baker et Robert Tear), dirigée par André Previn à la tête du London Symphony Orchestra, enregistrée en 1978, la version proposée dans ce coffret est d’une densité extrême.

Ce riche coffret, qui permet de mesurer combien Britten était bel et bien l’enfant de cette terre britannique où le chant choral est roi, présente en outre les onze Ceremony of Carols op. 28 pour chœur de garçons, voix solistes et harpe de 1942 inspirés de Noëls traditionnels anglais. Initialement conçue comme une série de onze chansons indépendantes, le cycle a ensuite été constitué en une entité avec le chant scandé à l’unisson puisant dans l’antienne grégorienne Hodie Christus Natus Est, entendue au début et à la fin de l’œuvre. Un solo de harpe fondé sur ce chant, auxquels s’ajoutent quelques motifs de Wolcum Yole ! (II), sert également à unifier la partition. En outre, les mouvements This Little Babe (VI) et Deo Gracias (X) voient le chœur adapter des effets de harpe par l’emploi d’un canon tout d’abord en stretto. Des pages plus rares permettent de découvrir ou de faire plus amplement connaissance avec la spiritualité authentique et simple de Britten, également fasciné par la musique du passé, du Moyen-Âge à Purcell, à travers des pages comme A Boy was Born op. 3 pour chœur, la Missa brevis en ré majeur op. 63, le Festival Te Deum op. 32, Rejoice the Lamb op. 30, le Te Deum en ut majeur, le Jubilate Deo, Un Hymne à la Vierge, un autre à saint Pierre (Regis regnum rectissimi), la cantate Saint Nicolas op. 42 (1948) pour ténor, voix de garçon, deux harpes, chœur d’enfants et orchestre de chambre, Sacred and Profane op. 81, transcriptions de huit chants médiévaux pour chœur à cinq voix que Britten réalisa en 1974-1975 pour le Wilbye Consort de Peter Pears, la Ballad of Heroes op. 14 et Praise We Great Men pour quatre chanteurs solistes, chœur mixte et orchestre, etc.

Au total, vingt œuvres interprétées par les meilleurs spécialistes de Benjamin Britten et de la musique anglaise, dont ils sont eux-mêmes pour la plupart issus, outre ceux déjà nommés, le Choir of King’s College, Cambridge, le Wandsworth School Choir, le London Sinfonietta Chorus, les Choristers of Saint Paul Cathedral, le London Philharmonic Choir, les Vasari Singers, le Winchester Cathedral Choir, le Medici String Quartet, l’English Chamber Orchestra, l’Academy of Saint Martin in the Fields, et des chefs comme Terry Edwards, David Willcocks et Richard Hickox…

Bruno Serrou

7 CD EMI Classics 50999 0 15156 2 (8h20mn)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire