lundi 25 février 2013

Une distribution homogène et une direction plus tendue qu’en 2010 de Philippe Jordan libère Die Walküre de Wagner reprise à l’Opéra de Paris du carcan d’une mise en scène toujours saturée de poncifs



Paris, Opéra de Paris Bastille, mercredi 20 février 2013


Die Walküre, acte II. Egils Silins (Wotan) et Sophie Koch (Fricka). Photo : (c) Opéra national de Paris, DR


Volet le plus populaire du Ring de Richard Wagner, Die Walküre n’avait pas été donné à l’Opéra de Paris depuis trente-trois ans jusqu’à la première le 31 mai 2010 de la production de Günter Krämer reprise ce mois-ci à Bastille et annoncée comme retravaillée. Après la Walküre d’une Tétralogie avortée de Klaus Michael Grüber et Georg Solti au Palais Garnier en 1976 reprise en 1978, celle proposée à Bastille conforte les impressions exprimées à l’issue du prologue. Günter Krämer connaît indubitablement le grand cycle wagnérien et est un excellent directeur d’acteurs. Il connaît aussi ses classiques, puisque sa Walkyrie puise un certain nombre de références chez Patrice Chéreau et chez Yannis Kokkos, et même chez Albert Speer, l’architecte de Hitler inventeur de la cité idéale baptisée Germania. Ainsi, au premier acte, l’opulente forêt de pommiers en fleur couverte de rosée de l’hymne au printemps emprunte au décor de Richard Peduzzi à Bayreuth pour la Walkyrie du Centenaire, tandis que le grand escalier qui se reflète dans un miroir gigantesque au deuxième acte vient indubitablement du metteur en scène scénographe grec…


Die Walküre, acte II. Martina Serafin (Sieglinde) et Stuart Skelton (Siegmund). Photo : (c) Opéra national de Paris, DR


Davantage que dans Das Rheingold (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/02/la-reprise-de-das-rheingold-de-philippe.html) des modifications bienvenues ont été intégrées pour cette reprise, mais l’ensemble reste le salmigondis de clichés éculés et de laideur qu’il était dès l’origine. Ainsi, la vaste demeure du néo-nazi Hunding n’est plus envahie tout au long du premier acte par un monceau de cadavres de victimes d’un carnage perpétré par le maître des lieux et ses sbires sur la peuplade des Wälsung, avec force viols et empalements. La place est désormais réduite à une sorte de couloir, l’action se déroulant désormais à l’avant-scène devant un mur de briques, tandis que Nothung est plus discrètement plantée côté jardin. Mais les hommes de main de Hunding sont toujours là, envahissants et vulgaires… Le décor du deuxième acte découle toujours du finale de Das Rheingold vu de l’intérieur, dominé par le mot « Germania » planté et astiqué par le personnel de maison au beau milieu du Walhalla bientôt défait de ses trois premières lettres. Le tout plonge le spectateur dans une mythologie national-socialiste éculée, tandis que la fuite du couple incestueux se fait dans un sombre désert truffé d’un monceau de pommes, pour rappeler au spectateur que les malheurs du couple incestueux découlent des mésaventures de la déesse Freia dont les pommes prodiguent l’éternelle jeunesse, avant que la bande de Hunding submerge Sigmund sous la masse et crée une énorme confusion. 

Die Walküre, acte I. Martina Serafin (Sieglinde), Günther Groissböck (Hunding) et Stuart Skelton (Siegmund). Photo : (c) Opéra national de Paris, DR

Ramené sur le devant de la scène et installés à même le sol, sur lequel ils sont tirés sur des draps maculés de sang, la chevauchée des Walkyries-infirmières rythme le nettoyage par ces dernières dans la morgue du Walhalla de héros nus qu’elles remettent sur pieds non sans avoir vérifié si tout était chez eux en état de marche. Mais Wotan n’endort plus Brünnhilde sur une table de médecin légiste où le maître des dieux avait précédemment abandonné le cadavre de Siegmund, mais l’allonge sur l’une des marches du Walhalla, avant d’invectiver à Loge l’ordre de déployer sa flamme autour de Brünnhilde endormie et d’embraser la place. La forêt environnante et le décor de fin du monde ont disparu.


Die Walküre, acte II. Fricka et Wotan. Photo : (c) Opéra national de Paris, DR


Côté musique, Philippe Jordan, malgré les infinies beautés sonores qu’il attise depuis l’orchestre, En effet, si les tempi sont plus énergiques et contrastés, cette Walküre manque est encore lestée de quelques tunnels de dynamique, notamment dans les récits de Siegmund, Fricka, Wotan, enfin Brünnhilde. Mais les Adieux de Wotan sont plus oniriques et émouvants qu’il y a trois ans. Quant à l’Orchestre de l’Opéra de Paris, il se donne sans réserve, s’avérant plus sûr que dans le prologue du Ring, exaltant des sonorités de braise avec une justesse sans faille et des attaques sûres et franches. Au sein d’une distribution d’une grande homogénéité, qui constitue en fait l’attrait de la soirée, il convient de saluer tout d’abord la remarquable Fricka de Sophie Koch, qui, toute de rouge vêtue, effectue ici une impressionnante prise de rôle, après Rheingold dès 2010. Son chaud mezzo à l’aigu éclatant envoûte. Stuart Kelton est un Siegmund à la fois ardent et pathétique, Martina Serafin une incandescente Sieglinde, Günther Groissböck un toujours robuste Hunding, tandis qu’Alwyn Mellor campe une Brünnhilde consistante et Egils Silins un Wotan à la fois altier et fragile. Enfin, la cohorte de Walkyries est d’une belle cohésion, avec Kelly God, Carola Höhn, Silvia Hablowetz, Wiebke Lehmkuhl, Barbara Morihien, Helene Ranada, Ann-Beth Solvang et Louise Callinan.


Bruno Serrou

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