mercredi 21 mars 2012

CD : Un coffret émotion, Debussy et ses premiers interprètes



Conçu comme complément de l’exposition « Debussy, la musique et les arts » présentée par le Musée d’Orsay au Musée de l’Orangerie dans l’enceinte du jardin des Tuileries (1), exposition qui sera reprise dans la foulée au Bridgestone Museum de Tokyo (2), l’« Album Debussy, le compositeur et ses interprètes » publié par Aeon en coédition avec le Musée d’Orsay est d’un très vif intérêt. Non seulement il compense une sérieuse défaillance de ladite exposition qui ne montre guère du compositeur et de son œuvre, puisque, en dehors de Pelléas et Mélisande, du Prélude à l’après-midi d’un faune, de La Mer et du Martyr de saint Sébastien, il ne se trouve que fort peu de partitions et moins encore d’illustrations sonores pour ponctuer le parcours du visiteur dépourvu d'écouteurs.
En un coffret de trois CD, Aeon répare amplement cette déficience en proposant une sélection d’enregistrements réalisés entre 1904 et 1955 par divers labels discographiques, enregistrements qui ont en fait la dimension d’incunables, puisqu’il s’agit de rien moins que de témoignages des tout premiers interprètes de l’œuvre de Debussy, chanteurs, pianistes, orchestres et chefs, rassemblés autour de quatre thématiques, chant et piano, piano seul, orchestre, voix et orchestre dont des extraits de Pelléas et Mélisande captés entre 1904 et 1928. Un coffret-émotion qui s’ouvre sur une gravure de Green, cinquième des Ariettes oubliées, par la soprano écossaise Mary Garden créatrice du rôle de Mélisande en 1902 accompagnée au piano par Claude Debussy en personne, et se conclut sur trois mélodies enregistrées en 1950 par le baryton français Gérard Souzay. Beaucoup des musiciens qui ont forgé l’art d’interpréter Debussy et sont entrés depuis longtemps dans la légende sont réunis, de Ninon Vallin à Charles Panzera en passant par Claire Croiza, Jane Bathori, Irène Joachim, Hector Dufranne, Marthe Nespoulos, Armand Narçon, Yvonne Brothier et Vanni-Marcoux côté voix, Jane Bathori, Ivana Meedintiano, George Reeves, Jacqueline Bonneau, Ricardo Viñes, Marcel Meyer et les Russes Benno Moïsevitsch, Serge Rachmaninov et Arthur Rubinstein pour le piano, Camille Chevillard, Walther Straram, Arturo Toscanini, Roger Désormière, Pierre Monteux, Georges Truc, Piero Coppola, Gustav Cloëz, Louis Beydts et Edouard Lindenberg côté chefs à la tête d’orchestres comme les Concerts Lamoureux, le NBC Symphony, les Concerts Straram, la Philharmonie Tchèque, le Symphonique de Boston, les Concerts Pasdeloup et la Société des Concerts du Conservatoire. Certes, ce premier demi-siècle d’interprétation debussyste n’a pas toujours bénéficié de qualités d’enregistrement à la hauteur des exigences d’une musique aux nuances d’une exceptionnelle délicatesse, aux timbres veloutés, riche en plans sonores d’une variété inouïe, d’une orchestration infiniment subtile, et s’il manque des documents tout aussi indispensables mais plus aisément accessibles par ailleurs comme les rouleaux gravés par Debussy, les enregistrements de Paderewski ou de Walter Gieseking, tandis que les extraits de Pelléas et Mélisande assemblent des enregistrements de années 1927-1928, soit de treize ans antérieurs à la célèbre intégrale de Roger Désormière, l’essentiel est là. L’éditeur, qui a nettoyé avec soin les diverses bandes utilisées des scories sonores et autres craquements qui empêchent généralement de goûter pleinement les enregistrements antérieurs à 1950, a réalisé un remarquable travail éditorial qui rend ce coffret indispensable pour qui souhaite connaître l’évolution de l’art d’interpréter la création de l’un des principaux initiateurs de la musique des XXe et XXIe siècles, Claude Debussy.
Bruno Serrou
1) Jusqu’au 11 juin 2012. http://www.musee-orsay.fr.
2) Du 13 juillet au 14 octobre 2012

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