lundi 19 mars 2012

CD : Miklos Perényi joue Britten, Bach et Ligeti

A 63 ans, Miklós Perényi est l’un des grands violoncellistes de notre temps. Proche de Pablo Casals qui le prit sous son aile alors qu’il avait 17 ans en l’invitant à ses cours de maître à Zermatt et à Porto Rico, avant de se produire avec le violoncelliste catalan et le pianiste autrichien Rudolf Serkin au Festival de Marlboro, le violoncelliste hongrois enseigne depuis 1970 à l’Académie Franz Liszt de Budapest. Son immense virtuosité est au service d’une ahurissante musicalité et exalte des sonorités amples et incandescentes au nuancier subtil, ce qui lui permet d’exceller dans tous les répertoires, du XVIIe siècle jusqu’à la création contemporaine la plus téméraire. Ainsi, entre autres compositeurs, ses compatriotes György Kurtág et, dernièrement, Péter Eötvös ont composé chacun pour lui un concerto, le premier un Double Concerto en 1990, le second un Concerto grosso pour violoncelle et orchestre qu’il a créé à Berlin le 17 juin 2011 sous la direction de son auteur avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin.  Le public parisien pourra le retrouver la saison prochaine Salle Pleyel avec le même orchestre dirigé cette fois par Simon Rattle dans le magnifique Concerto pour violoncelle de Witold Lutoslawski (1).
L’œuvre centrale de son nouvel enregistrement est la dernière des six Suites pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach, celle en ré majeur BWV1012 dont Perényi exalte les rythmes et les élans pour en faire une grande suite festive de danses toutes plus chaleureuses et brillantes les unes que les autres, suscitant un véritable bonheur pour les sens. Le son généreux et brûlant du violoncelliste hongrois fait merveille dans la troisième et dernière des Suites op. 87 que Benjamin Britten a composées en 1971 et dédiées à Mstislav Rostropovitch. Le Hongrois magnifie le chant des huit mouvements brefs qui conduisent à une impressionnante Passacaille (Lento solenne) qui occupe à elle seule en durée la somme des pages qui la précèdent. Composés en 1948 et 1953, révisés en 1979, l’année de la création officielle, les deux mouvements de la Sonate de György Ligeti plongent dans les sombres années qui conduisirent les Hongrois à la révolte contre l’occupant soviétique qui finit tragiquement dans le sang en 1956. Perényi, qui avait déjà enregistré cette sonate pour Hungaroton en 1999, est ici à son meilleur, apportant à chacun des mouvements une force impressionnante, jouant avec un naturel stupéfiant, une perfection des attaques, une expressivité inouïe, donnant au Dialogo (Adagio, rubato, cantabile) au tour de musique populaire hongroise plus proche de Kodály que de Bartók repris tour à tour sur les cordes de ré, de sol et de la de l’instrument qui ouvre la sonate la tendresse d’un immense chant d’amour aux accents de prélude de Bach, tandis que le Capriccio (Presto con slancio – Vif avec élan) qui suit, plus proche de Bartók que de Kodály et que les autorités soviétique jugèrent si moderne qu’elles en interdirent la diffusion à la radio, est d’une grande virtuosité regardant vers les caprices pour violon de Paganini. Un très beau disque de violoncelle d’un musicien exceptionnel qui présente les diverses facettes de cet instrument d’une richesse et d’une expressivité prodigieuses.
Bruno Serrou
CD ECM New Series 2152 476 4166 (Universal Classics)
1) Mercredi 27 février 2013, 20h

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