mardi 6 décembre 2011

Pascal Dusapin fait son Nietzsche


Pascal Dusapin fait son Nietzsche 

Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, 16 novembre 2011

De la rencontre entre le compositeur français Pascal Dusapin et le baryton autrichien Georg Nigl est né O Mensch !. Depuis Richard Wagner, nombre de compositeurs se sont attachés à l’œuvre de Friedrich Nietzsche, lui-même compositeur à ses heures. Pascal Dusapin a choisi de mettre en musique vingt-quatre poèmes dans l’original allemand de l’auteur du Gai savoir pour réaliser un cycle de vingt-quatre lieder et quatre interludes composé à l’attention du baryton autrichien Nigl, qui participa à la création des deux derniers opéras de Dusapin (Faustus, The Last Night et Passion), et de la pianiste Vanessa Wagner, à qui le compositeur  a dédié deux de ses Etudes pour piano. Dusapin a également signé la mise en scène de ce spectacle, qui a pour sous-titre « Inventaire musical non raisonné de quelques passions nietzschéennes ». 

L’une des particularités de cette œuvre réside en sa genèse, qui a suscité une opération inédite dans le monde du spectacle vivant : une souscription individuelle de 3000 euros pour compléter le financement de l’œuvre par le Théâtre des Bouffes du Nord qui a réuni vingt-sept donateurs, un pour chacune des parties du monodrame. Soit vingt pour cent du budget du spectacle pour lesquels les commanditaires ont reçu en échange un certain nombre d’avantages dont un exemplaire personnalisé de la partition autographe enrichie de photos et de dessins réalisés par le compositeur… 

Véritable cycle de lieder pour voix et piano, O Mensch ! de Pascal Dusapin sur des poèmes de Friedrich Nietzsche se présente dans l'esprit d’un monodrame. Sur le plateau, un piano dans le noir côté jardin, un homme qui chante tout en se déplaçant côté cours et au centre de la scène, avant de s'appuyer sur le piano, qu’il se met à jouer dans les dernières minutes du spectacle, sur l’aigu du clavier. L’Homme est une sorte de « Janus » qui marche et qui cherche, entouré d’ombres, de contours et de quelque visage, pris dans des filets de lumière, d’eau et de feu.  Le cycle s’ouvrant sur le poème éponyme O Mensch, l'on ne peut s'empêcher de penser dans un premier temps au lied du même titre que Mahler intégra à sa Symphonie n° 3. Puis le monodrame se tourne vers une tristesse schubertienne, avant de glisser dans la désolation, les passages les plus enlevés étant en vérité les plus graves et douloureux. Cette solitude éprouvante de l’Homme est soulignée par l’apparition de l’accord de Tristan de Richard Wagner. L’environnement informatique et vidéo réalisé par Thierry Coduys campe des espaces acoustiques mouvants, la nature nocturne qui emporte l’âme du Wanderer et invite le spectateur au voyage. Mais l’alliage ne prend pas vraiment et laisse l’auditeur sur le bord de la route. Peut-être en raison d’un piano qui se cantonne dans le grave du clavier, le plus souvent dans un climat d’une lenteur écrasante, tandis que l’écriture vocale se situe dans la tradition du lied, sans surprise ni renouveau, cela soixante-quinze minutes durant. Le tout est interprété avec délicatesse et émotion par les dédicataires, Georg Nigl et Vanessa Wagner. 

Bruno Serrou 

Le spectacle sera présenté au Grand théâtre, Studio, de la Ville de Luxembourg le 11 janvier 2012, Salle Barrault de la scène national d'Orléans le 25 janvier 2012, à l'Opéra de Rouen en novembre 2012 et à l'Opéra de Reims durant la saison 2012-2013. 

Photo : © Marthe Lemelle  

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