mardi 6 octobre 2015

CD : Itzhak Perlman, ou la musique absolue en 77 disques


70 ans le 31 août dernier ! Incroyable comme le temps passe !!! Pourtant, ce dernier n’a aucune emprise sur ce magicien d’Itzhak Perlman… Personnalité au charisme unique, Perlman est LE Violoniste de notre temps, et l’un des plus grands de l’histoire de la musique. Et son influence est considérable sur la scène musicale internationale, autant comme artiste que comme pédagogue, organisateur de concerts, mais aussi en raison de son immense popularité qui rejaillit sur la Musique en son entier. Et ce violon aux sonorités chatoyantes, rondes et pleines au nuancier infini, cette expressivité veloutée à fleur de peau qui émane de doigts aussi épais qu’agiles au point de sembler à peine bouger tout en volant sur la touche de façon si aérienne qu’ils semblent défier la physique, effleurant la corde comme en apesanteur pour exalter un chant proprement miraculeux. Un violon vraiment unique, cela en dépit de la poliomyélite contractée par Perlman dès l’âge de 4 ans, six mois après qu’il eût commencé le violon, qui le condamne depuis lors à se déplacer avec des béquilles et à jouer assis…

Itzhak Perlman (né en 1945). Photo : DR

Tandis que DG publie un recueil de sonates du violoniste israélo-américain enregistrées avec le pianiste Emmanuel Ax réunissant la Sonate de Fauré et celle de Richard Strauss d’une plénitude assumée (1), Warner Classics propose un volumineux coffret de soixante dix sept CD réunis en cinquante-neuf volumes qui agrègent tous les enregistrements de Perlman depuis ses débuts pour le label HMV en 1972 à l’âge de 27 ans (soit neuf ans après son premier concert au Carnegie Hall de New York) dans le Premier Concerto de Paganini dirigé par Lawrence Foster, jusqu’en 2002 avec un disque Mozart dont il est à la fois le soliste et le chef pour EMI. Un ensemble qui dénote la vaste dimension du répertoire d’Itzhak Perlman où seule la création contemporaine est absente à l’exception de deux concertos peu marquants dont il est le commanditaire et que ce coffret reprend.

Itzhak Perlman. Photo : (c) Don Hunstein / Warner Classics

Cette somme hors du commun compte peu de doublons, Perlman se limitant à des reprises d’œuvres précédemment enregistrées à la demande de son ami Daniel Barenboïm (concertos de Beethoven, Brahms, Stravinski et Prokofiev), ou encore les concertos de Mendelssohn et Bruch avec Previn puis Haitink, et les Quatre Saisons de Vivaldi. Tous ces documents extraordinaires constituent des jalons de la discographie de chacune des œuvres abordées, que ce soient les plus populaires, comme les Caprices de Paganini ou les Quarte Saisons de Vivaldi, ou les plus rares, comme les Goldmark, Saint-Saëns, Dvorak, Korngold ou Castelnuovo-Tedesco, les monuments que sont les Bach, Beethoven, Mendelssohn, Brahms, Tchaïkovski, Bruch, Sibelius, Bartók ou Prokofiev, les pages de virtuosité pure comme les Paganini, Wieniawski, Vieuxtemps, Kreisler, mais aussi dans le domaine de la musique de chambre, avec les intégrales des Trio avec piano de Beethoven en compagnie de Lynn Harrell et Vladimir Ashkenazy et ceux pour cordes avec Pinchas Zukerman à l’alto et Lynn Harrell, Sonates avec Vladimir Ashkenazy et Trio avec piano de Brahms avec Harrell et Ashkenazy, Sonate « Kreutzer » de Beethoven et Sonate de Franck avec Martha Argerich, le Trio avec piano de Tchaïkovski où il dialogue avec Harrell et Ashkenazy…

Quelques pochettes de l'intégrale Perlman Warner Classics. Photo : (c) Bruno Serrou

L’on retrouve avec bonheur les immenses références que constituent les Concertos de Brahms et de Beethoven dirigés par Carlo Maria Giulini avec le Chicago Symphony Orchestra pour le premier et le Philharmonia pour le second, en 1977 et 1982, ainsi qu’un très grand disque de musique française associant Saint-Saëns, Chausson et Ravel réalisé en 1975 avec l’Orchestre de Paris dirigé par Jean Martinon, mais aussi les Concertos de Prokofiev dirigés par Guennadi Rojdestvenski, le somptueux Premier Concerto de Chostakovitch avec le Philharmonique d’Israël et Zubin Mehta, les Sonates et Partitas de Bach enregistrées en 1988, qui, après les témoignages de Nathan Milstein et Henryk Szeryng et aux côtés d’Arthur Grumiaux, sont d’une finesse et d’une musicalité particulièrement prenantes et techniquement irréprochables.

Itzhak Perlman. Photo : DR

L’on redécouvre également Perlman dans des genres qu’il affectionne et qu’il se plait à défendre avec un goût exquis, le jazz, en quintet avec André Previn, à qui il est de nouveau associé dans un album Scott Joplin, et la musique klezmer.

Certes, cet imposant coffret dont l’importance est considérable n’est pas à la portée de toutes les bourses, mais il contient tant de merveilles qu’il en devient indispensable, non seulement aux amateurs de grand violon mais aussi à tous les mélomanes et les musiciens, violonistes ou pas, au point que l’on ne peut qu’espérer que les bibliothèques-discothèques de prêts se le procurent pour que sa diffusion soit maximale.

Bruno Serrou

1) 1 CD DG 4811774. 2) 77 CD Warner Classics 082564615694 

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