vendredi 14 février 2014

L’Orchestre national de France ouvre en fanfare la 24e édition du Festival Présences de Radio France

Paris, Théâtre du Châtelet, jeudi 13 février 2014

Ilan Volkov. Photo : DR

C’est avant tout la qualité de la prestation de l’Orchestre National de France qu’il convient de saluer au terme de sa prestation durant la soirée d’ouverture de la 24e édition de Présences, festival de musique contemporaine de Radio France. Sous la direction fervente et nuancée du chef israélien Ilan Volkov, la première phalange symphonique de Radio France a remarquablement servi des œuvres nouvelles à son répertoire, plus ou moins ardues à jouer, réclamant en tout cas des pupitres solistes une concentration et une virtuosité à toute épreuve.

Sabine Toutain. Photo : DR

Devant une salle du Théâtre du Châtelet plus clairsemée que de coutume pour cette manifestation, où les compositeurs se sont faits rares à quelques exceptions près, comme Betsy Jolas, François Bayle ou Bernard Cavanna entre autres et parmi les plus notables, le concert s’est ouvert sur le second concerto pour alto de la semaine, après celui de Béla Bartók évoqué ici-même hier (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2014/02/tabea-zimmermann-enflamme-lorchestre-de.html). Cette fois encore, la partie soliste était tenue par une altiste, Sabine Toutain, qui succédait ainsi à Tabea Zimmermann, toutes deux nées la même année 1966. Alto solo de l’Orchestre National de France, créatrice entre autres de Chant II de Ramon Lazkano en 1989, dédicataire d’Episode sixième de Betsy Jolas, Sabine Toutain et le National ont donné en création française Hérédo-Ribotes pour alto solo et cinquante et un musiciens d’orchestre, partition de Fabien Lévy (né en 1968) écrite en 2001 dans le cadre d’une résidence artistique du DAAD et créée le 25 janvier 2003 au Konzerthaus de Berlin dans le cadre du festival Ultraschall par Barbara Maurer et le Rundfunk-Symphonie Orchester de Berlin dirigé par Francis Bollon. 

Fabien Lévy (né en 1968). Photo : DR

Bien que conçue en Allemagne, cette pièce de moins de vingt de minutes ne renie pas les racines françaises de son auteur, avec son écriture raffinée, son orchestration cristalline, la fluidité de ses lignes, la sensualité de ses timbres, le velouté voluptueux de la partie d’alto, qui ouvre et referme seul l’œuvre, tandis que la cadence est ponctuée de cordes en écho bourdonnant tel un essaim d’abeilles. Ce qui n’empêche pas des scansions de puissants tutti lardés de violents appels de cuivres et d’interventions de cors disséminés dans la salle qui donnent à l’œuvre une spatialisation de bon aloi. Si l’on note dans ces pages écrites voilà treize ans une forme pas encore pleinement aboutie, elles n’en révèlent pas moins un compositeur inspiré maîtrisant pleinement l’orchestre. A noter que la première violon solo du National lançait régulièrement à sa consœur altiste soliste nombre sourires complices tout au long de l’exécution de l’œuvre.

Jörg Widmann (né en 1973). Photo : DR

La seconde pièce du programme était elle aussi pour instrument soliste et orchestre. Il s’agissait d’un concerto pour clarinette intitulé Elégie interprété par son auteur, Jörg Widmann (né en 1973). Composé en 2006, créé le 11 juin de la même année à Hambourg par l’Orchestre de la NDR dirigé par Christoph von Dohnanyi avec le compositeur à la clarinette, ce concerto d’une vingtaine de minutes est en fait un grand chant aux élans nostalgiques dédié à Hans Werner Henze, maître de Widmann qui célébrait alors son quatre-vingtième anniversaire et dont l’œuvre du disciple est imprégnée dès le début avec le thème élégiaque présenté par un petit ensemble de cordes et qui sera varié à plusieurs reprises dans le cours de l’œuvre. Il est indéniable que le compositeur bavarois, remarquable clarinettiste, a du savoir-faire, maîtrisant parfaitement le micro-intervalle, la palette de timbres et la virtuosité de son instrument auquel il mêle subtilement les sonorités immatérielles de l’accordéon puis du célesta, mais aussi la richesse de couleurs de l’orchestre.

Oliver Schneller (né en 1966). Photo : DR

Avec WuXing / Water d’Oliver Schneller (né en 1966), c’est le grand orchestre qui s’imposait dans la seconde partie du concert d’ouverture de Présences. Requérant bois et cuivres par trois (quatre cors et tuba), harpe, piano, 4 percussionnistes, l’œuvre donnée en création ce 13 février 2013 sonne de façon trop germanique, mais il en émerge souvent des sonorités et des accords cristallins qui dénotent une influence un peu trop marquée de Pierre Boulez, tandis que vers la fin, le compositeur de Cologne emprunte à l’univers du Ländler, retournant ainsi plus ou moins à l’univers mahlérien.

Hans Werner Henze (1926-2012). Photo : DR

C’est sur une œuvre pour grand orchestre de Hans Werner Henze (1926-2012) que le concert s’est terminé. Une pièce d’un quart d’heure que le compositeur rhénan a écrite en 2004 et qui a été créée le 22 décembre 2005 par l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam dirigé par Mariss Jansons. Elle est tirée d’une partition antérieure de Henze, Apollo und Hyazinthus pour contralto, clavecin et huit instruments (1948-1949) écrite sur un texte du poète expressionniste salzbourgeois Georg Trakl, dont on célèbre cette année le centenaire de la mort volontaire à l’âge de 27 ans. Il s’agit donc d’une mélodie au ton mélancolique et funèbre dans laquelle Henze ne cherche pas l’originalité de l’écriture mais plutôt le climat, ce qu’ont fort bien rendu Ilan Volkov et l’Orchestre National de France.

Bruno Serrou


Le Festival Présences de Radio France se poursuit jusqu’au 25 février. https://www.facebook.com/events/1445733342323697

1 commentaire:

  1. Monsieur est bon et tolérant !
    Tout à fait en accord avec toi concernant le concerto de Fabien Lévy. Mais pour le reste ... :-)
    Une musicienne du National m'a "dénoncé" que le Monsieur Schneller, formé dans les plus écoles en Allemagne + Boston ou Columbia + Cursus Ircam, écrivait beaucoup hors-tessiture, soit des "si" ou "sib" graves à l'alto (et à plusieurs reprises). Au début, il se défendait en rejetant la faute sur le copiste puis, comme il y en avait d'autres à plusieurs endroits, il a été obligé de reconnaitre ses fautes, l'allemand si diplômé ! Ah !!! la TRADITION SE PERD !!! Heureusement qu'il y avait le Français !

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