lundi 22 avril 2013

Mort de Jean-Michel Damase, compositeur « de nature fidèle »


Jean-Michel Damase (1928-2013). Photo : DR

Auteur d’une musique restée profondément ancrée dans la tradition et les salons des années 1920, Jean-Michel Damase est mort dimanche 21 avril 2013 à l’âge de 85 ans. Son éditeur, Gérard Billaudot, m’avait confié voilà une quinzaine d’années la rédaction de son portrait en introduction à son catalogue. Article que je reprends ici.

Né à Bordeaux le 27 janvier 1928, Jean-Michel Damase est tout naturellement venu à la musique. C’est sa mère, la harpiste Micheline Kahn, créatrice entre autres de l’Impromptu de Gabriel Fauré et d’Introduction et Allegro de Maurice Ravel, qui l’élève à Paris. Il révèle alors ses dons précoces pour la musique.

A cinq ans, il aborde le piano et le solfège à l’école Samuel-Rousseau. A neuf ans, il signe sa première partition en mettant en musique des poèmes de Colette, qu’il vient de rencontrer dans un salon parisien. En 1939, sous le titre Enfants prodiges et enfant prodigieux, la romancière publie dans Paris-Soir des lignes élogieuses sur son jeune protégé alors âgé de onze ans.

Remarqué par Marguerite Long, qui le fait jouer en public au Pavillon de l’Enfance de l’Exposition universelle de 1937, il devient à douze ans l’élève d’Alfred Cortot à l’Ecole Normale de Musique de Paris. Puis il entre au Conservatoire de Paris dans la classe d’Armand Ferté où il obtient son Premier Prix de piano à l’unanimité en 1943. Deux ans plus tard, il est admis dans la classe de composition d’Henri Busser et étudie l’harmonie et le contrepoint avec Marcel Dupré.

À dix-neuf ans, il remporte le Premier Prix de composition avec un Quintette et le Premier Grand Prix de Rome avec la cantate Et la Belle se réveilla. « Je n’avais aucune envie d’aller à Rome, se souvenait-il. Mais mes camarades de classe se présentant, j’ai voulu essayer. C’est lors de mon séjour Villa Médicis que je décidais de privilégier la composition. Je continuais néanmoins le piano pour le seul répertoire français, ce qui m’a permis de remporter le Grand Prix du Disque en 1960 avec la première intégrale des Nocturnes et des Barcarolles de Fauré.» Quoique volontairement limitée, sa carrière de pianiste s’avère florissante et, outre les récitals, il se produit en soliste avec les Orchestres Colonne, National de l’O.R.T.F. et la Société des Concerts du Conservatoire.

Les œuvres de la première maturité de Damase trahissent l’aisance technique du jeune compositeur qui produit quantité de musique au style élégant, reflet de l’enseignement du Conservatoire. Admis très tôt parmi ses pairs, Damase est soutenu par Henri Sauguet et Tony Aubin.

Toute son œuvre montre une intime connaissance des capacités instrumentales, son orchestration est colorée, mais il privilégie la musique de chambre, particulièrement pour instruments à vent (Quatre divertissements pour flûte et piano, Hommage à Klosé et 15 Etudes dans le style français pour clarinette, Azur pour saxophone et piano, Aspects pour cor et piano, Prélude, élégie et final pour trombone et piano, Quatuor de flûtes, Suite pastorale pour trois flûtes etc...), les petits ensembles (Casino et lutheries pour flûte, harpe et quintette à cordes, Rondo, Guitare, Cavatine, etc..), et les pages concertantes (un Concertino pour piano et orchestre à cordes qu’il affectionnait particulièrement, une Rhapsodie pour flûte et orchestre à cordes), mais aussi les partitions à portée pédagogique (Scherzando pour orchestre junior, Suite en sol pour orchestre à cordes junior, Cinq petits dialogues pour marimba et harpe ou piano).

Outre les formations de musique de chambre, Damase se voue à la musique d’essence dramatique. Il écrit son premier ballet pour Roland Petit, La croqueuse de diamants en 1950, puis le marquis de Cuevas, pour qui il devient chef d’orchestre, lui commande Piège de lumière créé en 1952 qui, avec Balance à trois (1955) pour Jean Babilée et La Boucle (1957), forme un triptyque chorégraphique.

Sa rencontre avec son voisin Jean Anouilh l’incite à se tourner vers le théâtre et l’art lyrique. « Appréciant son théâtre, rappelait Damase, je finis par lui demander l’autorisation de composer un ouvrage lyrique tiré de l’une de ses pièces. « Qu’est-ce que vous y trouvez ? me demanda-t-il. Ce n’est qu’une histoire de boulevard... Que voulez-vous donc mettre comme musique là-dessus ? Moi, ça ne me dit rien ! Commencez votre travail, vous m’en jouerez un acte et je vous dirai si c’est possible.» C’est ainsi que j’ai écrit Colombe en 1956, puis Euridyce en 1972, Madame de en 1970 qu’il avait adapté de Louise de Vilmorin, et il me confia les musiques de scène de La petite Molière et du Directeur de l’Opéra. »


Autre ouvrage lyrique de Damase, La tendre Éléonore, opéra bouffe écrit sur un livret de Loys Masson créé le 10 mars 1962 à l’Opéra de Marseille. Il convient d’ajouter à cet ensemble d’œuvres dramatiques les Onze psaumes de David pour baryton solo, chœur et orchestre d’instruments à vent (1985).

Immédiatement accessible, Damase plaçait lui-même sa musique dans la tradition française, une « musique a priori gaie, chantante, mais riche d’une certaine nostalgie, d’une petite profondeur. » Quand on lui demandait pourquoi il était resté fidèle à la tonalité, il répondait en riant : « Je suis de nature fidèle ! ».

Bruno Serrou

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