vendredi 9 novembre 2012

Le Schubert d’une fraîcheur juvénile de Marc Minkowski et des Musiciens du Louvre

Cité de la Musique, Salle des concerts, jeudi 8 novembre 2012



Artiste enjoué et affable, esprit brillant, dévorant la vie à pleine dent, Mark Minkowski est un musicien passionné dont la foi est prodigue. Ayant abordé la musique à l’adolescence, période de la vie où d’autres s’en éloignent, directeur de son propre orchestre dès l’âge de vingt ans, né dans une famille de mélomanes où la pensée est souveraine, il est à cinquante-et-un ans l’un des chefs d’orchestre les plus en vue de sa génération. Rendu célèbre par ses interprétations des répertoires des XVIIe et XVIIIe siècles allemands, anglais, autrichiens, français et italiens à la tête de ses Musiciens du Louvre-Grenoble, qui fêtent leurs trente ans cette année et avec lesquels il se produit dans toutes les salles et théâtres d’Europe, il est régulièrement invité par les grands orchestres internationaux, et est depuis 2008 chef titulaire du Sinfonia Varsovia, avec lequel il explore de nouveaux espaces sonores, s’ouvrant toujours davantage à tous les répertoires. 



C’est donc en toute logique que la Cité de la Musique et la Salle Pleyel consacrent en ce mois de novembre son Domaine Privé à Marc Minkowski. S’étant naturellement vu donner pour l’occasion carte blanche, le chef français a choisi de présenter la diversité de ses centres d’intérêt, depuis le répertoire baroque jusqu’à la musique du XXe siècle. Le concert d’hier était ainsi consacré à Franz Schubert, dont Minkowski et les Musiciens du Louvre-Grenoble ont enregistré l’intégrale des symphonies que vient de publier Naïve. Le programme réunissait deux pages du genre nées à dix ans de distance, les Troisième et Neuvième Symphonies. Conformément à leur habitude, qui consiste à adapter leurs instruments au répertoire qu’ils interprètent, les Musiciens du Louvre ont adopté leur instrumentarium à l’époque de Schubert qui se situent dans la continuité de Haydn et de Mozart, avec cuivres naturels. Ce qui a pour corolaire des attaques à froid plus ou moins délicates, mais qui rendent étonnamment plus attachante et fraîches les œuvres ainsi interprétées.


Conçue en 1815 par un jeune homme de 18 ans, la Symphonie n° 3 en ré majeur D. 200, qui ne sera créée qu’en 1881, se situe dans la transition du classicisme vers le romantisme. L’œuvre est d’une spontanéité virevoltante, malgré son introduction lente au caractère menaçant. Tant et si bien que cette partition est remarquablement servie par Minkowski et les Musiciens du Louvre-Grenoble, qui en donnent une lecture étincelante, pétillante, généreuse, primesautière. L’orchestre brille par un son bien rond et plein, le fondu de ses cordes (disposées dans la tradition viennoise : violon I, altos, violoncelles, violon II, contrebasses derrière les instruments à vent). 


Composée en 1825-1826, la Symphonie n° 9 en ut majeur D. 994 dite « la Grande », révélée par Robert Schumann dix ans après la mort de Schubert, est en vérité la première vraie symphonie achevée du compositeur… s’il avait vécu plus longtemps. A l’aune de cette page admirable, l’on mesure combien la musique a perdu à cause de la trop courte vie de son auteur. Avec un orchestre plus étoffé que dans la Symphonie n° 3 (bois et cuivres par trois au lieu de deux, quatre contrebasses au lieu de trois, le reste des cordes en proportion), l’interprétation est du strict point de vue sonore légèrement déséquilibrée, les instruments à vent ayant tendance à couvrir les cordes, du moins dans la Salle des concerts de la Cité de la Musique. Un peu moins en place que dans la Troisième, principalement dans l’Andante du mouvement initial, rythmique un peu lourd et attaque des cors aléatoire, et le finale un peu trop touffu et victime de petits décalages, la Neuvième séduit dans l’Allegro du premier mouvement et le Scherzo bouillonnants et chaleureux, avec ce qu’il faut de grandeur et d’onirisme, voire de naturalisme avec ces bois qui chantent de façon rustique et font résonner des bruissements de forêt. 

Généreux et empli de musique, Minkowski  semblait comme toujours ne pas vouloir mettre un terme à la soirée et ne pas quitter Schubert. Ainsi, pour son premier bis, chef et orchestre ont confirmé leurs affinités avec le jeune Viennois, donnant un merveilleux mouvement lent de la Symphonie n° 1 en ré majeur D. 82 conçue par un adolescent de 16 ans, tandis que pour son second bis, qu’il a présenté comme sa symphonie de Schubert préférée, il a choisi le premier des deux mouvements achevés de la Symphonie n° 8 en si mineur D. 759, avec des violoncelles de grande beauté, et une approche envoûtante sur le plan instrumental et de l’inflexion.

Bruno Serrou

Photos : DR

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