samedi 17 décembre 2011

Une botte secrète de Brigands à l'Athénée


 Diana Axantii (la Princesse) et Vincent Vantyghem (l'Egoutier). Photo : DR
Athénée Théâtre Louis-Jouvet, vendredi 16 décembre 2011
C’est un spectacle particulièrement festif comme de coutume à pareille époque que propose à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet la Compagnie Les Brigands, qui célèbre pour l’occasion ses dix ans d’existence. Il faut dire que le choix est particulièrement original, puisqu’il s’est porté sur une extravagante bouffonnerie de Claude Terrasse (1867-1923), auteur de la musique de scène du Roi Ubu de son complice Alfred Jarry et dont le délirant Au temps des croisades avait déjà enluminé les fêtes de fin d’année 2009 en ce même théâtre. Cette fois c’est au tour de la « plus parfaite » de ses œuvres, selon son ami André-Ferdinand Hérold pilier du Mercure de France, La botte secrète - qui n’a rien à voir avec celle du duc de Nevers qui suscite évidemment l’un des quiproquos de la pièce -, que la Péniche Opéra avait tiré de l’oubli en 1998. Cet opéra-bouffe créé à Paris en 1903 Théâtre des Capucins conte la quête improbable et naturellement loufoque d’une botte coupable d’un violent coup de pied le soir du 14 juillet sur l’auguste séant d’un prince étranger en vadrouille à Paris accompagné de sa pulpeuse épouse, qui garde quant à elle le souvenir d’attouchements non dépourvus de charme. Tous finissent par se retrouver chez un chausseur, y compris le propriétaire de cette botte à la taille hors norme de... 71 (!) qui s’avère être un fébrile égoutier. Le livret de Franc-Nohain (1872-1934), connu comme auteur de celui de l’Heure espagnole de Maurice Ravel et avec qui Terrasse a collaboré à trois reprises, est leste et bien troussé, malgré quelques faiblesses, avec sa guirlande habituelle de jeux de mots plus ou moins fumeux, sans jamais être vulgaire, et l’on rit volontiers à ces rocambolesques aventures pleines de retournement et de confusions. En fait, cette soirée de quatre vingt quinze minutes est en deux parties s’enchaînant, l’opérette à cinq personnages en elle-même, suivie d'une revue à dix-sept chanteurs-danseurs-comédiens. Si l’on ne comprend pas toujours le texte, certains chanteurs articulant plus ou moins clairement, les artistes s’engagent sans réserve, si bien que la salle s’enthousiasme volontiers devant ce spectacle loufoque au rythme endiablé. Dans la fosse, l’orchestre est guilleret, dans l’esprit du cabaret, mais, jouée dans un arrangement de Thibault Perrine, la partition est savante et ne craint pas les citations, tant dans le domaine de la musique populaire du temps que savante, y compris l’Or du Rhin de Wagner. Le public rit à gorge déployée, d’autant plus que la soirée s’achève sur une délirante revue se déroulant dans un grand magasin sur les thèmes de la femme, de la mode et ses accessoires conçue par la compagnie pour son dixième anniversaire à partir d’extraits de ses productions de la décennie écoulée (Les Brigands, Le Docteur Ox et Barbe-Bleue d’Offenbach, Nelly et Arsène Lupin de Lattès, Dédé et Phi-Phi de Christiné, O mon bel inconnu de Hahn, Ta bouche et Gosse de riche d’Yvain, La Cosaque d’Hervé, etc.) associant douze de leurs artistes aux cinq comparses de La botte secrète. La mise en scène de Pierre Gillois est bien enlevée, tendant davantage à la suggestion qu’à la trivialité, avivant une équipe de comédiens-chanteurs investis de leurs personnages, quoiqu’un rien tendus le soir de la première avant de se libérer peu à peu. Même si l’on ne comprend pas toujours les textes qu’ils chantent, la mezzo-soprano Diana Axentii (Princesse à l’inénarrable accent moldave), les ténors David Ghilardi (« l’homme à femmes »… Hector) et Vincent Vantyghem (l’Egoutier) sont pétulants, tout comme le baryton Vincent Deliau en chausseur un brin coincé, et le ténor Christophe Crapez en Prince borné affublé de la barbe et de la coiffure explosées de Claude Terrasse qui, par sa prestance, transcende le maillon faible du texte de Franc-Nohain. Dans la fosse, Christophe Grapperon dirige un orchestre brillant avec empressement, au risque parfois de couvrir les chanteurs.
Bruno Serrou
(1) Athénée Théâtre Louis-Jouvet,  jusqu’au 8 janvier. Location : 01.53.05.19.19. www.athenee-theatre.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire